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Edito newsletter 36 – décembre 2024

Pérols, le 18 décembre 2024

Le bénévolat, maître mot associatif

Quand, en 1966, je décide de créer une 1ère association – d’étudiants à l’époque -, j’étais loin d’imaginer dans quel  engrenage je mettais le petit doigt. Mais à la réflexion, je ne le regrette pas et si j’avais un conseil à donner à une  jeunesse désireuse de goûter aux arcanes de la relation associative, je n’aurais aujourd’hui aucun état d’âme et  j’encouragerais même cette idée de vouloir partager avec d’autres ce qui, au fond, sert à valoriser notre désir d’échange  et de transmission d’un savoir être avant que de ne mettre en avant un savoir-faire personnel. 

Dans cet engagement volontaire, le premier élément à ne jamais négliger est le don de soi, qui ne souffre aucun calcul, et qui doit, en toutes circonstances, se détacher absolument de toute volonté hégémonique qui soit liée de près ou de loin à  la notion de pouvoir : quel qu’en soit la dimension, on n’est pas bénévole pour exercer un pouvoir.   

Un de mes amis qui se reconnaîtra dans son propos repris ici me disait un jour « dans bénévole, n’oublie jamais qu’il y a deux mots, benêt et volé : benêt par ce qu’il faut l’être un tantinet pour donner de ton temps comme tu le fais, et volé  parce que le temps c’est de l’argent ». En caricaturant à sa façon l’analyse qu’il faisait lui-même de son propre engagement bénévole, Il ne croyait pas si bien dire, lui qui donne aujourd’hui sans compter auprès d’une jeunesse à qui il  tente d’inculquer le respect des valeurs liées à la vie en société au travers d’un sport qu’il maîtrise parfaitement. 

La valorisation du bénévolat constitue aussi cette autre facette de l’engagement personnel. Elle n’est en aucune façon construite sur ce qu’on pourrait définir comme une organisation très hiérarchisée faite de carcans inamovibles qui font  qu’un Président serait ou deviendrait cet être intouchable et inabordable drapé de sa toge présidentielle le rendant  éloigné de sa base associative. Le Président se fera un devoir de ne jamais oublier celles et ceux qui l’ont mis en place dans une sorte de reconnaissance d’un savoir être et d’un savoir-faire que nul ne conteste. 

Bien au-delà, cette prise en compte du fait associatif et de cette reconnaissance incontestée doit se construire sur la  notion d’équipe et sur ce qu’implique de partage et de délégation cette notion fondamentale qu’on a trop souvent  tendance à oublier, tant il devient confortable d’exercer un pouvoir que personne ne conteste. En ne s’en rendant pas  compte, grisé que l’on est par le pouvoir, on en oublie alors l’essentiel et on en devient le despote que personne n’ose  plus affronter au sein même de la structure qui vous a porté. 

Aujourd’hui, parce qu’on n’a pas cette fibre personnelle qui vous fait vous remettre en cause à tout moment dans  l’analyse de votre engagement bénévole, parce qu’on préfère asseoir son autorité sur des textes qui ont pris de l’âge et  que le confort de votre propre autorité n’incite pas à réviser, parce qu’il est plus facile de se retrancher derrière un texte  que d’en analyser le contenu et de voir si on peut l’adapter à des situations nouvelles sans finalement en dénaturer  l’essence, parce qu’enfin, il est plus facile aussi de se prévaloir d’une cour de « béni oui oui » bien incapable de  développer la moindre idée de progrès, on s’en tient à la stricte application règlementaire de ce qu’on a soi-même  interprété pour en fabriquer de toute pièce un texte dont on dit qu’il a valeur de Loi. 

Aussi loin qu’on puisse remonter dans le temps, force est de constater que c’est ainsi que se sont construites les plus grandes dictatures, oubliant toute notion de partage et d’engagement de soi au profit d’un pouvoir exercé sans partage ni  don de soi. C’est ainsi également que cette forme de dictat associatif aboutit ici et là à l’émergence de petits chefs sans envergure qui ne constituent au final que les faire valoir de leur maître à penser dont ils ne reproduisent à sa plus grande  satisfaction que des méthodes ne laissant libre cours à aucune discussion ni à aucune remise en cause personnelle. 

A terme, il est évident que le constat se fera d’une déliquescence progressive du fait associatif. Ne nous donnant pas les moyens d’en assurer la critique ou l’analyse qu’exigent l’évolution normale de tout engagement personnel, ne nous donnant pas davantage les moyens d’échanger sur les thèmes de ce qui devrait constituer une réflexion permanente des  dirigeants bénévoles que nous sommes, nous ne pourrons que constater que le passé était meilleur, qu’il était porteur de  ces valeurs qu’on a oubliées, qu’il était synonyme de rêve, d’ambition, de travail et de partage, toutes notions totalement  oubliée aujourd’hui par ceux-là même qui les reprennent à leur compte sans même en connaître l’essence. 

Vous me direz qu’il est facile de critiquer, surtout si on s’en tient à cette déclaration « promis, juré, en 2015 ! ». Aller au-delà de cette simple affirmation d’éditorial ainsi libellée représente ce que j’ai toujours fait en reprenant à mon compte l’engagement bénévole, en faire mon cheval de bataille pour affirmer que les choses peuvent changer et être autres. Faire ce que l’on dit, mettre en place ce que sa propre équipe n’a jamais su dynamiser, et donc s’en, donner les moyens, cesser de s’asseoir sur ce mode de fonctionnement si bien défini dans ce que l’on appelle « le contentement du petit peu » avec pour résultat que rien ne bouge, que par routine, rien ne peut bouger, et que l’on reste finalement un Président, voilà l’antithèse de mes idées et de mon sens du bénévolat. 

Se doter des outils et des moyens que ce siècle nous amène, faire que notre jeunesse puisse être séduite par l’approche  d’un savoir-faire qui n’hésite pas à avoir recours à des moyens qu’elle utilise elle-même pour communiquer autrement  que par un recueil d’anatomie qui ne fait « bander » personne que ses propres auteurs, avoir le courage de regarder son  siècle en face et d’en utiliser les outils de diffusion qui font son originalité et qui en constituent sa force, voilà bien le défi  auquel nous devons nous confronter, voilà bien le défi que nous lance cette jeunesse qui n’attend de nous que partage et  transmission de notre savoir-faire mais avec des outils qui sont les siens, et pas ceux de nos ancêtres si respectables soient-ils eu égard à leur engagement à eux que la solidarité guidait dans tous les instants, y compris dans ces périodes  de revers qu’ils ont connues et qui ont fait leur force.  

Maître mot associatif, le bénévolat doit rester une formidable école d’humilité. Ne l’oublions jamais.

Paul-Edouard DESPIERRES
Président
Ligue de Voile Occitanie
06 26 71 29 11
pauledouard.despierres @ ffvoile.fr